projets en cours

De nombreux projets de recherche sont conduits dans le cadre de la cohorte AGRICAN. Ils portent sur les facteurs associés aux cancers mais aussi à d’autres maladies (respiratoires, neurodégénératives, troubles de reproduction et du développement…) ou sur des populations spécifiques comme les jardiniers - paysagistes, les ouvriers des coopératives ou du secteur du bois… Par ailleurs des collectes de données complémentaires par de nouveaux questionnaires ou des prélèvements biologiques (sang, urines, cheveux, selles…) sont en cours chez certains membres de la cohorte pour mener de nouvelles analyses.

Certaines analyses ont déjà donné lieu à des travaux universitaires, à des publications scientifiques, et elles ont été le plus souvent synthétisées dans les bulletins d’information envoyés aux participants depuis 2005. D’autres sont en cours à partir des données recueillies. Afin de vous informer des avancées les plus récentes, nous vous présentons ici les nouveaux projets. En fonction de leur avancement, les informations sont plus ou moins précises, et seront complétées au cours du temps. La plupart de ces projets sont réalisés par des membres des deux équipes de recherche coordinatrices de la cohorte AGRICAN (ANTICIPE et EPICENE) mais certains ont aussi été proposés par d’autres équipes de chercheurs. Pour chacun de ces projets, nous vous précisons l’objectif, les personnes impliquées, les grandes lignes de la méthodologie, le financement et le calendrier prévisionnel

La santé et les expositions des professionnels des espaces verts sont explorés dans le cadre d’une thèse d’Université conduite par Lucie De Graaf et dirigée par Isabelle Baldi (Equipe EPICENE – INSERM U1219 - Université de Bordeaux). En effet la cohorte AGRICAN comporte un nombre conséquent de travailleurs de ce secteur, qu’ils aient ou non également réalisé des tâches sur des exploitations agricoles. La thèse est financée par une bourse du parcours Doctoral National en Santé Travail de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique sur la période 2019-2022 et des financements complémentaires ont été demandés, notamment pour mener des études de terrain. Au sein d’AGRICAN, plus de 6 000 personnes ont travaillé dans les espaces verts, qu’il s’agisse de jardiniers-paysagistes, d’horticulteurs, de pépiniéristes, de serristes, ou d’autres professionnels de ce secteur. Même s’il existe des similitudes avec les tâches agricoles, le travail dans les espaces verts correspond à d’autres types d’exposition, à la fois en termes de substances appliquées (usages importants d’herbicides totaux tels que le glyphosate), de matériel (utilisation de pulvérisateurs à dos) ou de pratiques. Aussi ce projet aura pour objectif de mieux connaître les expositions actuelles et passées et d’analyser l’état de santé des membres de la cohorte AGRICAN ayant réalisé tout ou partie de leur carrière professionnelle dans le secteur des espaces verts.

De nombreuses études conduites à l’étranger et en France ont montré que les cancers du sang et notamment les lymphomes étaient en excès en milieu professionnel agricole. AGRICAN offre une opportunité spécifique de confirmer ces résultats dans le contexte français et de comprendre le rôle de certaines expositions. Des résultats ont déjà été publiés sur les myélomes. Deux nouveaux projets sont actuellement en cours sur ces cancers dans AGRICAN :

1) Le rôle des expositions agricoles, et en particulier de certains pesticides, dans la survenue de lymphomes non hodgkiniens (et de leurs sous-types) est étudié dans une thèse conduite par Amandine Busson, dirigée par Pierre Lebailly et co-encadrée par Séverine Tual de l’unité ANTICIPE (Université de Caen-Normandie). Ce travail est financé par une bourse de la Ligue Nationale contre le Cancer sur la période 2017-2020 et sera soutenu devant un jury au premier semestre 2021. Les objectifs principaux de ce travail sont i) d’étudier les cultures/élevages et les tâches associées aux lymphomes non-hodgkiniens globalement et pour les trois principaux sous types (principaux résultats présentés en pages 35 et suivantes du bulletin n°3), ii) d’étudier les effets de deux familles chimiques de pesticides sur le risque de ces mêmes lymphomes et iii) d’étudier les cultures/élevages et tâches associés à un lymphome plus rare, le lymphome plasmocytaire, en excès chez les agriculteurs de la cohorte.

2) Le projet PESTILYMPH, porté par Séverine Tual est financé par l’Agence Française pour la Biodiversité dans le cadre du plan Ecophyto2+. Il a pour objectif d’étudier les effets de l’exposition à deux familles chimiques de pesticides (les insecticides pyréthrinoïdes et les herbicides phytohormones) sur le risque de lymphomes, globalement et pour les principaux sous-types. Ce projet sera conduit sur la période 2021-2023.

De nombreuses études conduites à l’étranger et en France montrent un excès de cancers de la prostate en milieu professionnel agricole comme nous l’avons montré (bulletin n°3, page 32 et suivantes). Parce que les femmes en agriculture ont été moins souvent étudiées, on dispose de peu de données sur le lien entre les cancers du sein et des ovaires et les activités professionnelles agricoles. Cependant ces trois cancers partagent la caractéristique commune d’être régulés par des hormones sexuelles, lesquelles sont susceptibles de stimuler la multiplication cellulaire et le développement de tumeurs. Ainsi on estime que la majorité des cancers de la prostate et les deux tiers des cancers du sein seraient hormono-dépendants. Parmi les facteurs de risque professionnels susceptibles de perturber le système endocrinien figurent certains pesticides, qu’il s’agisse des produits phytopharmaceutiques ou des biocides ou encore de médicaments vétérinaires. AGRICAN, en incluant à la fois des hommes et des femmes, et en disposant de données précises sur les expositions permet d’étudier la survenue de ces cancers dans deux projets en cours :

1) Le lien entre les expositions professionnelles agricoles aux pesticides et les cancers de la prostate, du sein et de l’ovaire est étudié dans le cadre d’une thèse conduite par Marine Renier et dirigée par Pierre Lebailly dans l’unité ANTICIPE (Université de Caen-Normandie). Ce travail est financé par une bourse de l’école doctorale Normande, Biologie Intégrative, Santé, Environnement sur la période 2018-2021. La soutenance de cette thèse est prévue au cours du premier trimestre 2022. Les objectifs principaux de cette thèse sont : i) d’étudier les cultures/élevages et tâches associées au risque de cancers du sein et de l’ovaire et ii) d’étudier les effets des insecticides organochlorés sur le risque de cancer de la prostate.

2) Le second projet PEPS (Exposition professionnelle aux PEsticides en milieu professionnel agricole et cancers de la Prostate et du Sein) est porté par Pierre Lebailly et Mathilde Boulanger et financé par l’Agence Française pour la Biodiversité dans le cadre du plan Ecophyto2+. Il consiste à i) caractériser les expositions à cinq familles de pesticides à l’aide des informations obtenues dans les questionnaires complétés par les participants à l’inclusion et au premier suivi et croisées avec les informations de la matrice culture-expositions PESTIMAT ; ii) étudier les associations d’une part avec le cancer du sein, globalement et par sous types ( pour les insecticides pyréthrinoïdes et organophosphorés) et d’autre part avec les cancers de la prostate (pour deux familles d’herbicides : les chloroacétanilides et les urées substituées et une famille de fongicides : les triazoles). Des analyses seront menées en tenant compte de l’agressivité du cancer de la prostate. Ce projet sera conduit sur la période 2021-2023 et permettra également la réalisation d’une thèse sur l’exposition professionnelle à certains pesticides en milieu professionnel agricole et la survenue de cancers de la prostate et du sein, globalement et pour des sous-types particuliers. Cette thèse sera dirigée par Pierre Lebailly et co-encadrée par Mathilde Boulanger de l’unité ANTICIPE (Université de Caen-Normandie).

Le cancer de la vessie a fait l’objet de premières analyses dans AGRICAN à partir des cinq premières années de suivi de la cohorte, présentées dans le bulletin n°3 à partir de la page 41. A cette étape du suivi, des liens avaient été mis en évidence avec certaines cultures (notamment légumes, cultures sous serres, pois fourragers et/ou fèveroles, colza) et avec certains usages de pesticides, mais les effectifs de cancers de la vessie restaient faibles et ne permettaient pas de conclure définitivement sur le rôle des tâches spécifiques réalisées par les agriculteurs. Les analyses sont donc poursuivies et étendues au cancer du rein dans une thèse conduite par Carine Nassar, dirigée par Bénédicte Clin-Godard et co-encadrée par Mathilde Boulanger de l’unité ANTICIPE (Université de Caen-Normandie). Il s’agira d’étudier les déterminants professionnels agricoles (élevages, cultures, tâches et pesticides particuliers) des cancers du Rein et de la Vessie parmi les participants de la cohorte. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) finance cette étude dans le cadre de la Phyto-Pharmaco-Vigilance sur la période 2021-2023.

Dans le cadre d’une cohorte du Calvados constituée avant AGRICAN, des prélèvements biologiques avaient été collectés auprès d’agriculteurs et avaient permis d’observer certaines modifications au niveau des cellules de l’organisme, traduisant un probable effet biologique des expositions professionnelles, susceptible de précéder la survenue de cancer.
Un nouveau volet d’AGRICAN vise à poursuivre ces recherches à plus large échelle en s’intéressant à des marqueurs biologiques pouvant signer un endommagement de l’ADN ou une modification dite « épigénétique » de la séquence d’ADN. Pour cela, il est prévu de mettre en place des collections biologiques à partir des participants d’AGRICAN, en débutant par deux secteurs agricoles spécifiques (maraîchage en plein champ ou sous serres et viticulture). Ce travail est mené notamment dans le cadre d’une thèse d’Université conduite par Poppy Evenden dirigée par Raphaël Delépée et co-encadrée par Matthieu Meryet-Figuière de l’unité ANTICIPE (Université de Caen-Normandie). Cette thèse portera sur les effets génotoxiques et épigénétiques des expositions professionnelles agricoles et leur lien avec le développement de cancers. Les travaux sont financés par une bourse de l’école doctorale Normande, Biologie Intégrative, Santé, Environnement sur la période 2019-2022. Les objectifs principaux sont : i) analyser l’endommagement de l’ADN par la technique du test des comètes et des modifications épigénétiques parmi les membres de la cohorte du Calvados, ii) mettre en place une cohorte de maraîchers issus de la cohorte AGRICAN (avec l’accord d’un comité d’éthique) et iii) étudier les liens éventuels entre biomarqueurs et risque ultérieur de cancers. Ces nouvelles collections biologiques seront constituées grâce à un financement de la Ligue Nationale contre le Cancer (Nationale et Comité de la Manche) et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) dans le cadre de la Phyto-Pharmaco-Vigilance.

Des études scientifiques ont suggéré l’existence de liens potentiels entre l’exposition aux pesticides pendant la grossesse (notamment en contexte professionnel) et le risque de troubles de la fertilité, de malformations congénitales, de mort fœtale ou encore de perturbations du développement neurologique ou cognitif de l’enfant. C’est pourquoi un projet spécifique a été mis en place au sein d’AGRICAN pour étudier les troubles de la reproduction et du développement (Projet DEPARE). Les premiers résultats de cette recherche sont présentés en pages 55 et suivantes du bulletin n°3. Dans un premier temps, l’étude a porté sur la capacité des femmes de la cohorte à concevoir – à partir des grossesses survenues depuis la phase d’inclusion. Dans la suite de cette étude, le développement des enfants issus de ces grossesses sera suivi, avec l’accord d’un comité d’éthique. La nouvelle phase du projet est coordonnée par l’équipe ANTICIPE. Elle débutera en 2021 en collaboration étroite avec l’équipe de Cécile Chevrier de l’IRSET à Rennes.

L’endométriose est une maladie gynécologique caractérisée par la présence de tissu utérin en dehors de la cavité utérine, pouvant avoir notamment comme conséquence des douleurs pelviennes et une infertilité. Il s’agit d’une affection fréquente qui toucherait environ une femme sur dix, mais qui ne s’accompagne pas toujours de symptômes et est parfois diagnostiquée de manière fortuite. Elle n’impacte pas le pronostic vital mais elle peut entraîner des troubles chroniques et invalidants. Les causes de l’endométriose sont encore mal connues et sont l’objet de diverses hypothèses. Des études récentes suggèrent des facteurs de risques génétiques et environnementaux. L’objectif de ce projet mené parmi les participantes d’AGRICAN est d’analyser l’association entre la fréquence de l’endométriose rapportée par les femmes dans le questionnaire de suivi (2015-2019) et les expositions professionnelles agricoles. Ce travail a été initié dans le cadre d’un Master 2 Recherche conduit par Wendy Mottais à l’IRSET encadré par Cécile Chevrier de l’IRSET à Rennes et par Pierre Lebailly de l’équipe ANTICIPE. Il sera finalisé courant 2021 par Marie Viaud de l’équipe ANTICIPE en lien avec l’IRSET.

Les insecticides de la famille des carbamates ont été autorisés en France depuis 1961. Plus de 100 produits commerciaux ont été autorisés, le principal représentant de ce groupe est le carbaryl. Depuis les années 2000, le carbaryl, le fénoxycarbe, le pirimicarbe et le thiodicarbe ont été classés cancérigènes probables pour l’Homme par des experts internationaux. A ce jour, beaucoup de carbamates insecticides ont été retirés du marché mais certains sont toujours autorisés (lien EPhy). Au sein d’AGRICAN, nous avons étudié leur rôle dans la survenue de tumeurs du système nerveux central (voir bulletin n°3 à partir de la page 44). Le projet conduit ici porte sur le lien entre l’exposition aux molécules insecticides carbamates et le développement de lymphomes globalement et pour les trois sous types les plus fréquents. Ce travail est conduit par Kenza Abdelmalki et encadré par Kayo Togawa du Département Environnement & Radiation du Centre International de Recherche sur le Cancer de Lyon sur la période 2020-2021.

En France, les effets des pesticides sur la santé des travailleurs agricoles sont de plus en plus connus. L’exposition professionnelle aux pesticides en agriculture est variable selon les secteurs et les statuts professionnels. Cependant, peu d’études prennent en compte la diversité de la population de travailleurs agricoles et les éventuelles inégalités qui lui sont associées. Le projet de recherche pluridisciplinaire ExpoJust, vise à étudier les enjeux de justice relatifs à l’exposition des travailleurs agricoles (agriculteurs et salariés) aux pesticides. L’hypothèse centrale de la thèse postule que cette exposition, via les risques sur la santé, variables selon les tâches effectuées et le type d’exposition (directe ou indirecte), est à considérer comme une inégalité environnementale qui varie selon le statut socio-professionnel du travailleur, les filières agricoles et la structuration de chaque filière. Cette thèse est conduite par Nadège DEGBELO (Université de Bordeaux) et dirigée par Jacqueline CANDAU de l’équipe Environnement, Territoires et Infrastructures de l’INRAE. Les travaux sont financés par une bourse obtenue auprès du Labex COTE, Université de Bordeaux sur la période 2020-2022.
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