TRAVAILLEURS EN ESPACES VERTS

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Publié le : 01/09/2022

LES ESPACES VERTS : UN SECTEUR PEU DOCUMENTE

Les données collectées grâce aux questionnaires ont permis d’explorer en détail les historiques professionnels des participants et d’identifier ainsi un peu plus de 6000 personnes ayant travaillé dans le secteur des espaces verts et de la culture ornementale (soit 3,4 % de la cohorte Agrican). Ce secteur regroupe un panel de professionnels relativement divers : paysagistes, jardiniers, employés municipaux, horticulteurs, pépiniéristes, etc. ; exerçant dans des environnements de travail variés (jardins de particuliers, parcs publics, espaces communaux, voirie et voies ferrées, golfs, terrains de sport, aérodromes, serres). La littérature scientifique dispose de peu de données sur la santé de ces travailleurs, leurs habitudes de vie ou encore leurs expositions professionnelles. Des analyses ont donc été menées spécifiquement sur cette population au sein d’AGRICAN.

SANTÉ DES TRAVAILLEURS EN ESPACES VERTS INCLUS DANS AGRICAN

En majorité masculine, cette population de travailleurs en espaces verts est relativement jeune (52 ans en moyenne contre 68 ans chez les agriculteurs) et présente un taux de tabagisme élevé (20,5 % de fumeurs contre 9 % chez les agriculteurs). On note également davantage d’antécédents d’allergies (asthme, eczéma et rhinite allergique) chez les hommes et femmes et de dépression chez les hommes. Comme en population générale française, les principales causes de décès sont le cancer chez les hommes (35,3 % des décès) et les maladies du système circulatoire chez les femmes (31,8 %). Toutes causes confondues, les travailleurs en espaces verts ne présentent pas d’excès de mortalité par rapport aux agriculteurs et aux travailleurs non-agricoles de la cohorte.

Chez les hommes, 9,7 % ont développé un cancer entre 2005 et 2017. Le risque de cancer en général est plus élevé par rapport aux agriculteurs (+22 %) mais ne l’est pas par rapport aux travailleurs en dehors de l’agriculture. Cinq cancers apparaissent plus fréquemment chez les travailleurs en espaces verts par rapport aux agriculteurs (cancer colorectal, prostate, mélanome cutané, testicule et thyroïde) et 2 par rapport aux travailleurs non-agricoles (mélanome cutané et thyroïde) (Tableau 1). Concernant les mélanomes cutanés, les horticulteurs sont les plus à risque (+ 42 % par rapport aux pépiniéristes et +32 % par rapport aux jardiniers).

Tableau 1: Comparaison des incidences des cancers entre travailleurs en espaces verts, agriculteurs et travailleurs non agricoles inclus dans la cohorte AGRICAN, à âge égal sur la période 2005-2017.


Chez les femmes, 6,4 % ont développé un cancer dont la majorité touche le sein (40,8 %). L’incidence du cancer en général et du sein est plus élevée par rapport aux agricultrices (respectivement +16 % et +46 %). Les femmes exerçant dans une pépinière sont plus à risque de développer un cancer du sein par rapport aux jardinières (+75 %) et aux horticultrices (+54 %). Le nombre de femmes dans cet échantillon étant relativement limité, le faible nombre de cas pour les autres localisations de cancer n’ont pas permis de mener les analyses.

LES PERSPECTIVES DE RECHERCHE AUTOUR DES ESPACES VERTS

D’autres localisations de cancers ont été observées en excès chez les travailleurs en espaces verts (larynx, lymphome hodgkinien et leucémie notamment) mais ce résultat reposait sur des effectifs limités. Les prochaines analyses avec les données actualisées des registres des cancers permettront de confirmer ou non les tendances observées lors de ces premières analyses. De plus, les parcours professionnels étant souvent complexes, les prochaines analyses prendront en compte les différents emplois et durées d’emplois en espaces verts et en agriculture.

Pour les cancers en excès que nous avons identifiés chez les travailleurs en espaces verts, nous rechercherons les associations avec les expositions professionnelles et tout particulièrement celles aux pesticides. Pour cela, un travail sur l’amélioration des connaissances sur les utilisations de pesticides dans ce secteur est en cours. La matrice Pestimat, qui vise à reconstruire l’historique des utilisations de pesticides sur 11 cultures françaises depuis 1950, compte à présent 3 nouveaux domaines : les zones non-agricoles (jardins, parcs, terrains de sport, voirie, etc.), l’horticulture et les pépinières. Les données d’utilisation pour ces différents domaines ont d’ores et déjà été ajoutées pour plusieurs familles de pesticides (herbicides totaux, pyréthrinoïdes, organochlorés, etc.) et pourront être croisées avec certaines localisations de cancers.

En parallèle, des études de terrain pour mesurer les contaminations cutanées et respiratoires aux pesticides sont en cours et permettront de déterminer les niveaux d’exposition selon différentes situations de travail et d’identifier les facteurs influençant l’exposition. Au total, une centaine d’observations ont déjà été réalisées dans différentes branches du secteur des espaces verts : horticulture, pépinières, golfs, sites industriels, serres municipales, etc. Ces données permettront d’affiner l’estimation de l’exposition dans la cohorte. L’utilisation des produits de biocontrôle dans ce secteur étant en plein essor, nous nous intéressons aussi à caractériser ces expositions pour investiguer de potentiels effets de santé.

Pour en savoir plus :

De Graaf L, Talibov M, Boulanger M, Bureau M, Robelot E, Lebailly P, Baldi I; AGRICAN group. Health of greenspace workers: Morbidity and mortality data from the AGRICAN cohort. Environ Res. 2022 Sep;212(Pt C):113375. doi: 10.1016/j.envres.2022.113375. Epub 2022 May 6. PMID: 35533714.

• Thèse (en français) : Lucie de Graaf. Exposition aux pesticides et santé chez les travailleurs des espaces verts en France. Médecine humaine et pathologie. Université de Bordeaux, 2022. Français.

• Site internet de la matrice Pestimat


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